La Bonne Humeur

Novembre, c'est un mois en R. Et les mois en R, qu'est-ce qu'on mange Rémi ? Des moules ! Ça tombe bien, puisqu'on est un peu dans la capitale mondiale du Moules-Frites (oui, on ne s'en rend pas toujours compte mais dit comme ça, ça en impose). Et en ces heures sombres que traverse notre ville bien-aimée, il convient de revendiquer encore davantage ce qui la rend si belle et si chère à nos yeux.

Pour autant, et même à Bruxelles, les vraies bonnes adresses où déguster notre plat national ne se trouvent pas à tous les coins de rue. En tout cas, si on veut sortir des pièges à touristes et autres enseignes industrielles éponymes d'un tueur à gages de Luc Besson.

Alors, lorsqu'un ami vient à me demander si je connais une adresse à Bruxelles où trouver une bonne casseroles de moules, la réponse ne se fait jamais attendre: A La Bonne Humeur pardi ! Et si la proposition fait généralement mouche, c'est car l'endroit fait tellement partie de ces gargotes qui ne paient pas de mine qu'elle en véhicule tous les clichés: façade peu amène, mobilier en formica (on n'emploie le mot "formica" que quand on parle de gargotes qui ne paient pas de mine, on est d'accord ?), sets de tables en papier et qualité de l'assiette inversement proportionnelle au talent du décorateur d'intérieur. La devanture a d'ailleurs conservé l'une des *splendides* sculptures érigées à l'occasion du festival Brusselicious, en 2012, preuve s'il en est que le kitsch est un art et qu'à ce titre, il se travaille.

L'endroit est exigu, peut-être trop et le confort gagnerait sans doute à virer une table ou deux. Mais c'est bien là un des rares reproches qu'on peut adresser à cette sympathique adresse, moins conservatrice qu'elle n'en a l'air. Car non messieurs-mesdames, la maison ne se limite pas aux moules marinières / vin blanc / crème et innove avec une série de suggestions qui varient au fil de la saison, comme ces moules à l'orientales, avec coriandre, citronnelle et épices safranées. De quoi varier agréablement les plaisirs pour un plat qui s’accommode fort bien de ce genre de fantaisies. Evidemment, ici on ne cuisine que du produit de qualité, et en arrivage quotidien de Zélande s'il vous plaît ! Les frites ne sont pas en reste: cuites deux fois dans la graisse de bœuf, accompagnées d'une mayonnaise correcte - même si sa consistance un peu trop onctueuse peut laisser penser qu'elle n'est pas faite maison. Et en parlant de fait maison, comment faire l'impasse sur cet autre incontournable de la gastronomie belge que sont les croquettes aux crevettes, servies simplement mais dans les règles de l'art, avec le quartier de citron et le brin de persil frit qui va bien. Rien à redire, croustillantes sans êtres trop grasses, généreusement farcies de petites grises. Miom.

Bon, vous l'aurez compris: amis vegans ou ascètes, passez votre chemin. Car pour paraphraser l'ami Eddy: "Ici on prend pas du brocoli cuit à l'eau de Vittel ! On prend du plaisir !" On aime, on apprécie, on savoure: ça faisait (trop) longtemps qu'on n'avait plus mangé de moules, et celles qui nous sont servies sont à la hauteur de l'occasion. Soyons honnêtes jusqu'au bout: lors de ma dernière visite, mes mollusques auraient pu être un chouïa plus cuits. Mais rien de grave, et on pardonne tant la saveur était au rendez-vous. Niveau prix, on se trouve dans la moyenne de ce qui se pratique à Bruxelles, entre 20 et 22 EUR la casserole d'1 Kg, parfois un peu plus pour les suggestions et les préparations plus exotiques, soit de quoi s'en sortir pour moins de 40 EUR le couvert, boissons et entrées comprises.

En sept mot comme en cent: une adresse qui porte bien son nom !